Textes







« Disparition »

Exposition Patrick Cornillet - Galerie Birthe Laursen 
Copenhague, septembre 2006


Les tableaux de Patrick Cornillet représentent les zones marginales et désertiques de la culture post-industrielle mais ne communiquent aucun indice topographique concernant le paysage urbain représenté. 
Cet effet est en partie du à l’utilisation particulière des sources photographiques de Patrick Cornillet. Son travail, fluide et étrangement sans coutour, de pinceau éloigne sa peinture du réalisme détaillé de la photographie. En même temps sa palette presque monochrome avec ses nuances délicates de gris crée un écart entre la peinture et la réalité multicolore de la ville. 
Ce qui est montré est intentionnellement flou comme si l’espace représenté était en train d’éclore comme une image – pour le moment dépourvu de netteté. 
Ceci dit, ce flou ajoute aux tableaux une ambiguité , comme si la réalité rendue était à l’opposé de se qui s’y passe – est-ce que ce qui structure vraiment le tableau est la ville qui s’efface et disparaît peu à peu?
En dissolvant la netteté de la photographie par des mouvements de glissement et étirement, Cornillet implique des problématiques aussi bien urbaines que picturales. 
C’est exactement le travail de Cornillet qui, avec la dissolution de l’espace naturel et figuratif de l’image, rend ce paysage urbain comme une zone construite de manière arbitraire et irrégulière avec ses contours effacés et ses formes visuelles qui sont difficilement identifiables. 
En effaçant partiellement les limites des zones urbaines représentées, Cornillet crée un espace pictural diffus qui, d’un côté, reproduit l’objectivité tri-dimentionnelle dont dépend notre perception de l’espace et d’un autre côté, c’est comme si cette objectivité perdait sa solidité initiale, parce que le paysage urbain rendu dans les tableaux de Cornillet est saturé par de multiples réalités, mouvements et relations qui ne confirment pas notre conception de l’espace urbain comme quelque chose de solide et constant, mais au contraire, questionnent cette supposition. 
De cette manière, le jeu de pinceau vibrant de Cornillet injecte au paysage urbain une dynamique visuelle qui, à la fois pointe l’instabilité optique des tableaux et en même temps, conjure précisément cet éphémère qui est le point-clé du paysage urbain industriel comme il est vécu par le regard des citadins pressés.       




Sabine Nielsen, Copenhague.









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« Antres »

Exposition Patrick Cornillet - Galerie Susan Nielsen
Paris, mars 2008.



Les peintures récentes de l’artiste français Patrick Cornillet
présentent des constructions austères dans des environnements
vides. Des lieux dans un non-espace, des fragments d’une
architecture énigmatique comme laissée en suspend par son visiteur.
Rappelant une partie de jeu vidéo, ces peintures tentent de pousser
le spectateur à suivre leurs structures complexes à la recherche
d’une sortie. Mais il n’y a pas d’issue ; en réalité il n’y a pas plus
d’entrée. Le spectateur est pris au piège d’un espace illusoire.
Des mots comme “sévère” et “nu” viennent à l’esprit au regard des
nouvelles œuvres de Patrick Cornillet. Comme dans son précédent
travail, une impression de mouvement reste perceptible dans des
structures pourtant statiques de prime abord. Leur masse contraste
avec l’espace immatériel qui l’entoure, et comme dans un rêve
fiévreux le spectateur n’a prise ni sur les proportions des structures,
ni sur leurs dimensions.
Le spectateur lutte pour donner un sens aux constructions de béton
en tant que motif ; certaines images renvoient à des structures
architecturales, bien qu’il soit difficile d’imaginer quelle sorte de
bâtiment elles aient pu soutenir. Cette perception à la fois familière
et étrange renforce le sentiment d’aliénation qu’on éprouve face à
l’œuvre. En équilibre entre les deux, les images évoquent les ruines
d’une société déchue ou peut-être la vision menaçante d’un futur
proche. Elles se dressent nues telles des squelettes fragmentés,
privées de leur contenu initial illusoire mais conservant leur
singulière mystique intacte.

Maria Bregnbak, Paris 2008.











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Exposition « grands formats » Nantes, décembre 2010


Patrick Cornillet photographie divers bâtiments, architectures ou lieux dans leur insertion urbaine, efface certains éléments, découpe, déforme, à l’aide d’un logiciel, une forme ou une composition qui deviendra le sujet de la peinture. Epurées ainsi, à l’image de sculptures aux lumières couvertes et aux ombres profondes, aux tons éteints et équilibrés, aux lignes bien définies, elles affichent leur imposante matérialité, concentrée et toute en tension, pour que le spectateur les saisisse d’un coup d’œil dans leur globalité. Ces différentes opérations leur donnent un statut fragmentaire et isolé, qui les dé-figurent.

Lieux de solitude - soulignée par les traces de dégradation du béton, par les contrastes entre les aplats et la texture des matériaux - que le peintre nous force à interroger. En jouant dans un rapport incessant entre leur présence sans qualité et leur absence de réalité, elles deviennent des formes suspendues dans notre imaginaire, des formes dont le sens même reste en suspens. Bâtiments fantômes, à la fonction incertaine, au statut volontairement indéfini (sont-ils en service, en construction, ou abandonnés en attente d’une démolition), ils sont autant d’occurrences du paradigme des figures anonymes d’une société post-industrielle minée par l’entropie.

Car si Patrick Cornillet nous fait entrer dans un espace poétique, c’est à un espace entaché de mélancolie que ces architectures nous renvoient, porteuses du caractère désolé et désenchanté de leur propre inscription et de leur ruine à venir. Il se dégage donc à la vision de ces peintures une inquiétante étrangeté qui nous oblige en retour à reconsidérer ces bâtiments, non pas comme les bâtiments neutres et fonctionnels de notre quotidien, mais comme des monuments, paradoxalement à la fois vides et habités, témoins tantôt impassibles, tantôt hostiles et menaçants, de notre propre histoire.

Patrick Cornillet déplace la simple description d’une structure architecturale en un motif pictural prêt à révéler nos angoisses et à accueillir les fictions de nos existences. C’est peut-être là leur fonction principale.

Pierre Papin, Nantes, 2010.
Exposition « grands formats », Nantes, décembre 2010.







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Patrick Cornillet, "Faire le mur, faire la lumière"

Galerie Bertrand Gillig, novembre-décembre 2014






À la brutalité du monde Patrick Cornillet oppose celle  de ses peintures. Une nouvelle fois les ombres portées créent des architectures austères, vides, privées apparemment d’autres présences qu’elles. Néanmoins surgit une poésie particulière. Elle déporte le monde physique vers une sorte de métaphysique de l’espace le plus aride. Les tableaux sont peints sur des caissons de bois. Ils subvertissent la toile en lui accordant une valeur d’objet traité comme seuil. La peinture devient la détentrice d’un secret majeur que toute société tente d’étouffer. C’est pourquoi elle n’a cesse de le pourchasser. Une telle imagerie dit bien comment situer des bâtiments : ils répondent à leur environnement. Lui-même n’a pas à les subir puisque par eux il est renouvelé et déplacé.


Une telle théâtralité s’oppose paradoxalement à l’anéantissement, à l’incarcération par  supplément d’âme. Sous effet de boîte surgit une ouverture. La peinture devient un laboratoire d’idées. Son architecture crée l’inquiétante métaphore des profondeurs humaines surgies de l’obscurité. La ténèbre revient en partage pour renouer avec cette part exilée de nous-mêmes et permet d'envisager l'impensable et l'innommable. L’œuvre dans ses formes exprime donc l'indicible. L’architecture y devient l'objet transitionnel par excellence : à la perversion cachée du monde répond celle - ouverte - du langage de Cornillet.

Jean-Paul Gavard-Perret












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"Le béton de chaque construction travaillé jusqu’à devenir bloc de lumière accroche notre regard, les lignes épurées d’une jetée s’ancrent dans notre imaginaire qui entreprend un voyage intérieur...
Les œuvres de Patrick Cornillet nous convient à investir des no man's lands où, tels des orphelins, nous partons à la recherche de nous-mêmes.
Ces espaces clos et vides appellent le plein d’une pensée en déshérence.
Un refuge nous octroie le rayonnement solaire de sa couleur jaune irradiante mais la béance du vide toujours rattrape les formes et les couleurs pour les enfermer dans un entre-deux apaisé qui confine à l’abandon de soi et du monde.
Nous sommes happés dans une intemporalité qui suspend le mouvement mais paradoxalement, ce sont dans ces toiles qui abolissent toute notion de lieu et de temps que l’on songe au vivant. Car l’absence appelle une présence invisible, l’interroge à travers notre regard qui se tourne inéluctablement vers les frontières de l’être pour appréhender l’infini. Les traces laissées par l’homme cheminent alors en nous, dans cette pleine lumière où même les ombres s’éclairent pour générer une envoûtante et singulière poésie."

Françoise Urban-Menninger






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